"Le projet Air Force One dans son ensemble est bien sûr plus complexe et raisonné qu’il ne le laisse penser, mais tout de même, chaque mouvement de Sarkozy semble prendre des allures de gifle pour le pays auquel il est censé donner l’exemple. C’est à ce moment que le SDF craque, au milieu de la rame de métro. Je ne l’avais pas vu monter, à la station Nationale, ou Chevaleret. Pour ceux qui empruntent rarement le métro parisien, sachez que les SDF font partie intégrante du voyage, c’est comme cela. Vendant des journaux, jouant de la musique ou récitant machinalement une vie de misère, ils font tristement partie de meubles. Avec l’habitude, on commence à les ignorer, on se concentre sur sa musique, sa lecture, sa moue de parisien grincheux. Un sommet de civilisation. Je lisais donc mon blog et cet homme, avec le recul, je l’avais vu Tout le monde l’avait vu. Il est monté dans ma vision périphérique, il a tendu et vendu son journal dans mon audition inconsciente. Et il a enfin obtenu mon attention, l’attention de tous les voyageur lorsqu’il a craqué. Je ne me rappelle plus des premières phrases. “ALORS VOILA, VOILA. C’EST CA, LA FRANCE ? PAS UN REGARD, PAS UN SOURIRE ? JE SUIS HONNÊTE, JE ME BATS POUR TENIR, JE VENDS CES JOURNAUX TOUS LES JOURS”
Pas une réaction. Enfin, pas une réaction visible. Evidemment, tout le monde le regarde, le plus discrètement possible. Je sens quelques machoîres qui se serrent, mais personne ne bouge d’un poil. “ET RIEN. RIEN ! VOUS VOUS EN FOUTEZ, HEIN ? HIER, J’AI VENDU CES JOURNAUX PENDANT 10 HEURES ET J’AI QUAND MÊME DORMI DEHORS. VOUS LE VOYEZ, LE FROID DEHORS, VOUS IMAGINEZ LA TEMPERATURE ??” Le métro 6 est aérien, et nous montre le ciel blanc d’hiver, le temps gris. J’ai encore des frissons de mon trajet jusque la station. Sur les derniers mots, la voix de l’homme s’est légèrement brisée : il commence à pleurer, mais reste digne. L’homme empoigne soudain les journaux qui se trouvaient dans son sac et les jette au milieu du wagon. Pas un bruit, autre que celui du papier froissé. “VOILA, PRENEZ-LES, CES JOURNAUX, PRENEZ-LES ILS SONT GRATUITS, JE M’EN FOUT CA NE SERT A RIEN” Il se dirige vers le fond de la rame où je me trouve et se retourne alors pour asséner avec véhémence : “CONTINUEZ VOTRE VIE, IGNOREZ MOI, MAIS VOUS ALLEZ VOIR CE QUE JE VAIS FAIRE ! AVANT CE SOIR, JE VAIS EN ATTRAPER UN COMME VOUS, ET JE VOUS LE DIS : CE SERA LUI, OU MOI”
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