Esther Perel est thérapeute de couples, conférencières, auteur et est spécialisée dans les relations amoureuses. Esther est une célébrité outre-atlantique avec plus de 20 millions de visionnage de ces TED, ses conférences se remplissent en quelques minutes aux 4 coins de la planète, elle a été élue meilleure conférencière à SXSW 2018 et Alors qu’elle sort son nouveau livre sur l’infidélité « Je t’aime, je te trompe » dans sa version française, nous revenons avec Esther sur plusieurs éléments: Qu’est ce qui a tellement changé dans les relations aujourd’hui? Quels impacts ont les technologies sur les relations amoureuses? Comment évolue le lien homme/femme?
Une conversation passionnante avec la papesse de la relation amoureuse.
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Nos relations amoureuses ont été bouleversées sur ces dernières années
Dans le passé tout était très bien structurée, il y avait de nombreuses règles qu’il s’agisse de notre vie professionnelle, amoureuse, religieuse ou plus largement sociale et chacun les respectait jusqu’à leur mort. De la même manière les rapports entre les hommes et les femmes étaient décidés à l’avance que ce soit pour définir la personne qui nourrit l’enfant, celle qui s’occupe du foyer, celle qui décide du sexe, celle qui ramène l’argent au foyer etc…. Ors, aujourd’hui on se retrouve dans un modèle dans lequel chacun doit prendre des décisions importantes, il y a, en quelque sorte, un trop plein de liberté. Cette liberté amène de l’embarras, de la confusion, de l’incertitude mais aussi de la solitude. Evidemment il n’y a pas de solutions simples mais il existe des paradoxes à équilibrer. Le 1er de ces paradoxe est de comprendre la relation entre moi et l’autre. Est-ce que je mène mes relations en me mettant au centre ou est-ce que je mets les autres et leurs attentes au centre? Et par conséquent, cela permet de répondre à une question plus large qui est de savoir le droit que je souhaite m’octroyer dans la poursuite de mon bonheur. Car je peux le poursuivre même s’il a des conséquences néfastes pour l’autre. Le 2ème est que dans le couple intime, on attend d’une seule personne ce que l’on attendait avant de toute une communauté. C’est à dire que l’on souhaite que la personne nous permette de construire une famille, d’avoir un compagnon, un soutien économique mais désormais on lui demande aussi d’être le meilleur ami, le confident, l’amant etc…au final j’attends d’une seule personne l’ancrage et la stabilité mais aussi l’aventure, la nouveauté, la surprise etc…. la fameuse « âme soeur » qui devient la solution magique de toute la solitude existentielle que l’on peut ressentir.
La sexualité a également été bouleversée puisqu’un d’un acte reproductif à un acte récréatif. La sexualité était un atout économique car l’idée était évidemment de faire des enfants qui étaient alors des aides pour le foyer. Nous avons évidemment totalement changé de modèle, Dès lors, le sexe ce n’est pas quelque chose que je fais mais quelque chose que je suis, c’est donc un élément identitaire. En particulier, pour les femmes, le sexe était un devoir conjugal et rien de plus alors que désormais il est un désir, ce qui implique devenir maître de sa volonté. Le sexe est même passé d’un modèle récréatif mais dans une histoire malgré tout à un modèle comodifié pour certain cas, c’est à dire qu’il est pratiqué volontairement des 2 cotés sans qu’il n’y ait d’histoire particulière autour.
Le digital dans les relations amoureuses est-il générateur de solitude
Comme le souligne Esther, cette recherche de bonheur de son vivant est un concept tout à fait nouveau. Auparavant, la vie était miséricordieuse pour pouvoir accéder au bonheur après sa mort au paradis. Cette notion de la poursuite du bonheur et que l’on se doit d’être heureux est assez recent. Dès lors, la survie de la famille dépend essentiellement du bonheur du couple. Et le digital entre à tous les niveaux évidemment. D’abord dans la rencontre puis dans la construction du couple, dans sa vie au quotidien et enfin peut être dans les éventuelles tromperies. Selon Esther, il y a une différence entre les personnes qui ont connu les relations amoureuses sans smartphone et puis les plus jeunes nécessairement qui n’ont pas eu cette opportunité. Ors, de nombreuses analyses montrent que la communication textuelle (what’s app, Instagram, messenger, SMS ou autre) montre que cela génère énormément d’ambiguïtés et d’incompréhension car le ton, le regard, l’expression, les gestes n’y sont pas alors qu’ils représentent plus de la moitié de la communication.
De leur coté, les applications de rencontres ont d’abord véritablement apporté quelques chose aux relations amoureuses. Dans les premières années cela permettait de dépasser sa timidité, de montrer d’autres facettes de soi, d’écrire, d’aller en profondeur dans l’échange avant la rencontre physique mais désormais, Esther assène que les relations sur Tinder sont très pauvres et sans goût la plupart du temps. Mais plus que cela, Esther explique qu’il y a un appauvrissement dans notre capacité de ressentir avec l’intégralité de nos sens qui est dû au digital. D’ailleurs, le smartphone appauvrit très souvent les relations amoureuses car on peut être présent l’un à l’autre mais s’ignorer complètement, c’est une forme de « perte ambiguë » selon Esther. Mais ce phénomène n’est pas nouveau puisqu’avant le smartphone il y avait la TV qui pouvait également faire rempart à la conversation. Toutefois, comme elle le rappelle, les smartphones mais surtout les applications sociales sont construites en se basant sur les neurosciences pour happer notre attention au maximum et dès lors, on peut se retrouver dans des situations de solitude à 2. Selon Esther, c’est le manque de rituel (chute du religieux) qui a permis à de nouveaux rituels (regarder son téléphone à son réveil par exemple) de se developper.
Le féminisme n’est pas qu’un combat, ça doit être une conversation
D’abord, il faut comprendre la différence entre le féminisme américain et français. En France, dans les années 70 on défendait la différence mais une volonté d’avoir les même opportunités tandis qu’aux Etats-Unis le combat était plutôt de dire qu’il ne devait pas y avoir de différence. Dès lors, en France on a mis un ensemble de mesure en place comme le congé maternité, les crèches ou autre pour permettre aux femmes d’avoir une vie active en prenant en considération leur différence, c’est à dire, à minima, leur capacité à donner vie. Par conséquent, pas de congé maternité aux U.S., on parle d’un congé maladie plus ou moins comme un autre. De la même manière rien n’est organisé pour que la femme ou le couple puisse gérer l’arrivée de cette naissance, pas de crèche ou autre. Mais « Me too » est une opportunité de rediscuter ce rapport d’échange de pouvoir entre hommes et femmes. Historiquement les hommes ont toujours usés de leur pouvoir social pour accéder à la sexualité. Tandis que les femmes ont historiquement toujours utilisé de leur jeunesse, de leur séduction pour accéder au pouvoir social et public qui leur était refusé et nié. Aujourd’hui cet échange est en train d’être corrigé. Depuis 50 ans, les femmes ne sont pas seulement dans un combat, elles sont surtout dans une conversation afin de redéfinir la place de la femme, son identité, son pouvoir , son désir… Elle doivent définir comment elle trouve leur voie et leur pouvoir mais les hommes devraient avoir une conversation autour de la vulnérabilité et ne pas tomber dans la programmation masculine du mythe de la virilité. Ce mythe est extrêmement puissant, comme le rappelait Elisabeth Badinter, on ne nait pas homme, on le devient. De tout temps, il y a eu des rites de passage pour les hommes et ainsi pour passer son nom, il fallait le mériter.
Une conversation passionnante qui mériterait sans doute plusieurs heures d’échange mais je vous invite à lire les livres d’Esther et regarder ses vidéos si ce n’est pas déjà fait ou bien d’écouter son podcast bien entendu.
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